L’ange: un business d’enfer

Les figurines d'anges s'arrachent dans les commerces. Image d'illustration. © iStock/DaveLongMedia / Les figurines d'anges s'arrachent dans les commerces. Image d'illustration. © iStock/DaveLongMedia
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Les figurines d'anges s'arrachent dans les commerces. Image d'illustration. © iStock/DaveLongMedia
Les figurines d'anges s'arrachent dans les commerces. Image d'illustration. © iStock/DaveLongMedia

L’ange: un business d’enfer

6 juillet 2021
Série d'été
Parfum, savon, figurine ou livre, l’ange se décline à l’infini pour offrir un support à une croyance populaire qui n’épargne aucune confession. Séance shopping en Suisse romande. 4/5

Lotion corporelle, bâtons d’encens, bougies, et autres méditations quotidiennes, le business des anges se décline à l’infini, en témoignent les présentoirs des boutiques ésotériques comme chrétiennes. La tendance a pignon sur rue depuis une trentaine d’années et ne se dément pas.

Près d’un Suisse sur deux croit que des anges et êtres surnaturels veillent sur nous, relève l’Office fédéral de la Statistique (OFS) dans son Enquête sur la langue, la religion et la culture 2019. En tête de peloton, les évangéliques. Ils sont 85% à partager cette croyance, suivis de près par les musulmans (70%) et les catholiques (55%). Les protestants réformés sont tout de même 42% à y adhérer, contre 25% des personnes sans appartenance religieuse. Et ce sont les femmes qui en sont les plus grandes adeptes (56% pour 34% d’hommes). Pas étonnant donc que l’offre de produits dérivés trouve ses publics.

Anges sans Dieu

«La figure de l’ange est très présente dans les mouvances de la religiosité parallèle depuis les années 1980-1990, notamment à travers une diffusion littéraire croissante», a pu observer l’historien des religions Jean-François Mayer, directeur de l’institut Religoscope à Fribourg. Pour lui, la popularité de cette figure s’est notamment trouvée associée à l’intérêt grandissant pour les expériences de vie après la vie, avec des témoins qui évoquent la rencontre avec des «êtres de lumière assimilés à des anges». Autre élément, l’émergence au même moment aux États-Unis du channeling, qui désigne la communication avec des entités appartenant à d’autres dimensions.

En Occident, la figure de l’ange héritée du christianisme s’en émancipe tout en restant une référence culturelle. «Elle est reprise dans une forme de resacralisation d’un univers intermédiaire rempli de figures bienveillantes, mais différentes de ces messagers de Dieu que nous présente la Bible», poursuit Jean-François Mayer.

En esprit et en chair

«Depuis le début de l’année 2021, 10% des titres vendus dans le rayon Ésotérisme sont des titres traitant de la question des anges», note Mohamed Benabed, responsable commercial de la Librairie Payot. Et ce n’est pas l’angle théologique qui séduit. D’ailleurs, dans le petit rayon consacré aux anges et aux démons à la libraire chrétienne Le Valentin, c’est «l’exorcisme qui est le plus recherché», détaille Denis Ramelet.

«Les clients recherchent surtout des figurines d’anges», confie quant à elle Aurore Dapoigny, de la librairie chrétienne Le Cep. Au rayon donc, on trouve des statuettes épurées, choisies par la responsable. L’essentiel des ventes se fait pendant les fêtes de Noël. «L’ange est offert en signe d’amour, d’amitié», explique-t-elle. «Je dis toujours aux clients qu’il ne s’agit pas d’un porte-bonheur, que la figurine n’a pas de pouvoir magique. C’est un symbole d’espérance et de réconfort qui rejoint l’autre et rappelle que Dieu envoie les anges dans différentes situations de la vie et qui montre que nous comptons à ses yeux», ajoute la responsable.

«Saint-Maurice et les anges, c’est ce que les clients nous demandent», lâche Fabienne Masseran, de la boutique de l’abbaye de Saint-Maurice. À tel point que depuis la réouverture du site en 2014, il a fallu étayer l’offre: figurines, porte-clés, cartes, encens, médaillons. «C’est un symbole d’amour commun à plusieurs religions, et au-delà. Il est aussi offert comme cadeau de naissance, de communion et de confirmation», observe-t-elle.

Si les représentations ailées s’arrachent, la préférence va pour les célèbres figures protectrices: «Saint Michel est le plus vendu», affirme sans hésitation Paula Neto, responsable de la boutique religieuse Arte Sacra à Lausanne, fréquentée par une clientèle à 95% chrétienne. Dans la même rue, la boutique Aux Arts Divinatoires proposent aussi, au milieu des pierres, des elfes et des sirènes, des anges et en tête des ventes, le trio Michel, Gabriel et Raphaël. «Certaines marques ont développé des gammes de produits autour de Saint Michel. Vous pouvez donc trouver lotion, encens et savon à son effigie. Il s’agit le plus souvent de mélanges d’huiles essentielles et de plantes, aux vertus protectrices», explique la propriétaire Giuliana Arrigo Macaione.

La quête de protection

Derrière le comptoir depuis vingt-deux ans, elle n’a jamais vu l’engouement baissé. «À travers les anges gardiens notamment, les gens cherchent une protection. La pandémie a accentué ce phénomène. À tel point qu’actuellement, cela passe devant les problèmes d’amour et d’argent», constate même la gérante.

«Les anges sont comme des repères. Les gens leur adressent une demande particulière, car ils ne savent plus à quel saint se vouer», lâche Yvette Borel. Cette tarologue est installée à Genève, dans l’arrière-boutique de L’Arcane 7 qu’elle a ouvert il y a une trentaine d’années. Après avoir roulé sa bosse à travers le monde et les spiritualités, elle a ouvert un lieu qui rassemble toutes les croyances, dans le respect de chacune. Dans la petite boutique se côtoient ainsi chrétiens, adeptes du vaudou, musulmans et bouddhistes: «Cette croyance est une question de foi et non de dogme, elle est indépendante de la religion», constate-t-elle. Ainsi, livres, bougies, cartes de prières, lotions, sont autant de «supports pour la pratique de cette foi. Mais la bougie ne va rien faire, c’est le vœu intérieur qui est important». Mais qu’on ne lui demande pas de contacter les anges. Yvette Borel laisse cela à l’intimité de chacun et pointe les arnaques nombreuses. «Il y a des gens qui prient les anges tous les jours. Le mystère existe. Ce qui compte, c’est ce que vous allez mettre dans votre croyance pour qu’elle vous transforme».

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